Les Bouviers

La fête des Bouviers du village d’Upie

Le projet d’inventaire au patrimoine culturel immatériel des Fêtes des Bouviers a été lancé en 2017. Il associe les Comités des Fêtes de sept villages drômois, la FCF France (Fédération des festivals, carnavals et fêtes de France) la FCF Drôme-Ardèche et l’OPCI (Office du patrimoine culturel immatériel). Les Fêtes des Bouviers et des Laboureurs de la Drôme ont été reconnues sur le plan national en novembre 2019, au même titre que 434 pratiques festives, comme les Fêtes de Bayonne ou de Dax, la Fête de la Saint-Nicolas à Nancy… Le Comité de la Fête des Bouviers d’Upie s’est fortement mobilisé pour recueillir des témoignages et collecter des archives. Ce corpus est accessible en ligne sur son site. 

La Fête des Bouviers et Laboureurs, descendante des fêtes celtes, gauloises et latines, a su garder, en évoluant, ce qui la rattachait à son lointain passé : la population, sa ruralité, le vin, le Bacchus, les chants, les danses et les jeunes gens, représentés par les Classards.

  La Fête des Bouviers d’Upie est une fête agricole d’hiver. Elle se déroule le deuxième dimanche du mois de janvier et si elle durait une bonne semaine dans le passé, aujourd’hui les temps forts sont concentrés sur deux week-ends. Elle est la première fête qui a lieu dans la région. Les Rois, dans leurs discours, parlent de 50e,60e….73e fête, ce qui, précisent-t-ils, correspond à la reprise des festivités en 1947 après la seconde guerre mondiale. Dans les faits, cette pratique est beaucoup plus ancienne. Le livre « ESSAI sur LA STATISTIQUE, L’HISTOIRE ET LES ANTIQUITES DU DEPARTEMENT DE LA DROME»  de 1817 par M. Delacroix, s’intéresse à la Fête  des Bouviers d’UPIE et écrit : « On y célèbre annuellement, au mois de janvier, ainsi que dans plusieurs communes des environs, telles que Montmeyran et Montéléger, la Fête des Laboureurs». Plus de deux siècles de fêtes donc, avec pour seule interruption trois arrêts forcés pendant les deux guerres mondiales et la pandémie mondiale de la COVID 19, on peut dire que 2022 ne sera pas la 74e mais la 188e Fête des Bouviers d’Upie, une longévité qui s’entretient. Dans le livre « USAGES FETES ET COUTUMES EXISTANT OU AYANT EXISTE EN DAUPHINE » édité en 1885 de  J-J-A Pilot de Thorey Ancien Archiviste de l’Isère, on y fait référence « A UPIE, dans le canton de Chabeuil (Drôme) et dans les communes voisines, où cette Fête des Laboureurs s’est le mieux conservée, et où se célèbre dans le mois de janvier, le président a le nom de Roi ».

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Le Comité des Bouviers d’Upie, est aujourd’hui composé des membres de la Royauté qui forment aussi le bureau et, de bénévoles. Les quatre couples constituant la Royauté s’investissent pour une durée de quatre ans et se chargent d’organiser la Fête. Dès 1817 et jusqu’à début 1900, le Roi était un bouvier ou un laboureur accompagné d’une Reine. Ensuite et jusqu’en 1939, le Roi était généralement choisi parmi les notables du village (Emmanuel Roux, boulanger du village, roi en 1906 ; Jean Gros, fils de M. Gros conseillé municipal roi en 1907 ; M. Chirouze meunier roi en 1908 par exemple). On retrouve une tradition paysanne à la reprise de la fête en 1947. Depuis les années 1960, l’épouse à Upie est associée au rôle du mari et c’est un couple qui entre dans la Royauté. Jusqu’à cette date, seuls les hommes étaient concernés.  Cette participation des femmes a d’abord été timide. Il faut attendre 1959 pour qu’une femme monte sur le char royal et 1962 pour qu’elle participe au banquet de la Royauté. 

  La Royauté s’appuie sur une hiérarchie héritée du système nobiliaire, les laboureurs devenant ainsi les défenseurs de règles non codifiées que tous les participants respectent. La première année, le Baron et la Baronne commencent par apprendre et observer. Ils sont choisis par le Baron de l’année précédente, qui a la responsabilité de se trouver un successeur avec l’accord de l’ensemble de la Royauté. Il y eut aussi pendant un temps un couple de « Petits Barons », qui pouvait suppléer les Barons au cas où ils changeraient d’avis. L’année suivante, ils deviennent Dauphin et Dauphine, puis la troisième année ils obtiennent le titre le plus important : Roi et Reine. La quatrième année, le Bacchus et sa femme la « Bacchuse » sont placés à la fin du cortège pour distribuer le vin. Ils quittent alors la Royauté et ne peuvent plus être réélus, mais rentrent dans la grande famille des Bouviers. Au cours du détrônement on leur remet une cocarde avec leur année de Royauté inscrite dessus. En 2010 Serge et Christine Fernandes ont organisé une exposition retraçant la Fête, ils ont remis à tous les anciens Rois et Reines un pin’s avec leur année de Royauté qui remplace aujourd’hui la cocarde. Des membres d’une même famille peuvent être Rois et Reines, c’est ainsi qu’à Upie, on retrouve au moins deux fois les noms de Gay, Terrasse, Terras, Rochas, Arnoux, Rigaud, Guardia, Didier…Tous les membres de la Royauté portent une écharpe, avec leurs titres écrits en lettres dorées pour bien distinguer les fonctions des uns et des autres. Seule l’écharpe du couple royal est tricolore, les autres sont unies : rouge pour le Baron, vert pour le Dauphin, lie de vin pour Bacchus avec un verre de vin en bois accroché en bas et bleu ciel pour le nouveau Baron intronisé le lundi soir. Le dimanche de la fête, le Roi tient le drapeau tricolore du Comité des Bouviers, qui est orné d’un dessin stylisé représentant la forme circulaire du village, avec l’emplacement des portes, l’église et le centre du village. Le Dauphin tient l’aiguillon, où sont accrochés les rubans de chaque ancien Roi (depuis 1947). 

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 Le Roi devait payer toute l’organisation de la fête. De 1947 à 1953 à Upie, il y a deux noms, ce qui diminuait la facture. De nos jours, les frais sont assurés par le Comité qui organise tout au long de l’année différentes manifestations très suivies pour financer l’événement : loto, vente de boudin, vide-greniers, défarde, pétanque mais aussi depuis 1993, la « saga » des Bouviers, avec en 2019, un « cluedo » géant…
Les « cocardières » vendent des cocardes aux spectateurs le jour du défilé des chars, participation libre qui permet d’alimenter les caisses pour que cette manifestation reste gratuite pour tous.

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Le Comité des Bouviers veille à l’intégration des plus jeunes. Quatre enfants, choisis généralement par la Reine, portent le triomphe lors de la cérémonie. Trois pognes, qui sont bénies puis distribuées aux participants de la messe et à ceux du banquet du lundi, reposent sur cette table portative appelée triomphe ornée de fleurs et d’épis de blé. Au sommet est accrochée une herse miniature. Le triomphe est transporté durant le défilé par une voiture qui lui est spécialement consacrée et qui suit le char royal. Sans oublier les associations du village, les Comités voisins, les amis, l’école et les parents d’élèves qui fabriquent leur char car la fête des Bouviers reste avant tout la fête du village.
 Les « Classards » sont mis à l’honneur le jour de leurs présentations aux anciens rois, aux représentants de la mairie et aux Upiens. L’année où l’on est « Classard » marque le passage à l’âge de la majorité. Ils portent une cocarde tricolore bleu blanc rouge sur le cœur, c’est une année riche en anecdotes laissant à ses acteurs le souvenir d’une expérience mémorable et joue parfois un rôle de catalyseur et permet un rapprochement ponctuel de personnes de milieux culturels ou social différents. Ils fabriquent leur propre char et il arrive qu’ils s’entendent suffisamment bien pour qu’ils recommencent les années suivantes. C’est ce que l’on appelle « le char de la surclasse.»
 Les villageois s’investissent largement dans la préparation de la fête. 


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Généralement, l’ossature du char est en métal ou bois recouverte de grillages, papiers et cartons, la fabrication commence à partir de septembre. Les fleurs, en papier crépon, sont confectionnées tous les vendredis soir du mois de novembre, à la main, et tous les Upiens sont invités à participer à la maison des associations. Cela permet de transmettre un savoir faire et créer des moments de partages entre génération très important pour la fête des Bouviers. On complète le moment venu avec du feuillage de ruscus (ou « petit houx) », arbuste piquant qui garde ses feuilles en hiver, cueilli dans une combe de Miéry.

Le gaufrage, qui permet de donner du volume au papier de soie, se fait manuellement ou avec un stylet pour un aspect plus fin. A Upie, une partie des préparatifs se passent dans un poulailler désaffecté prêté au Comité des Bouviers par la famille Rochas, les chars sont stockés en attendant le grand jour dans des hangars prêtés par les habitants du village et alentours, et grâce à qui cela peut perdurer. C’est aussi un lieu de convivialité et de bonne humeur où tous se retrouvent et apprennent à se connaître.

La municipalité joue un rôle important pour que la tradition de la Fête des Bouviers perdure. L’accompagnement dans l’organisation des festivités, le prêt au Comité des Bouviers, comme à toute autre association de la commune, des salles communales pour les festivités. Elle offre aussi un vin d’honneur le lundi aux habitants. Elle fait tirer un feu d’artifice lors du retour de fête le samedi soir. Elle a donné à une rue d’Upie le nom de Rue des Bouviers.

Comment se déroule la Fête des Bouviers ? 

Le Dimanche matin, c'est la réception royale chez leurs majestés où tous les chars fleuris se rassemblent sous la houlette de la fanfare municipale. Fanfare crée en 1895, elle est née de la formation d’un ensemble musicale qui se créer pour la fête. Toutes les personnalités du monde politique local ainsi que les représentants des familles royales des communes avoisinantes où l'on trouve encore des Fêtes des Bouviers se retrouvent aussi dans la demeure royale d'un jour pour apporter leur encouragement et leur soutien à cette fête populaire. Tout en écoutant l'aubade de la fanfare, vous mangerez les incontournables "bugnes" accompagnées d'un vin blanc généralement doux mais aussi de boissons chaudes qui sont toujours forts appréciées car une des caractéristiques de cette fête c'est qu'il fait souvent froid, voire très froid.

A 11 heures c'est le moment de la traditionnelle messe œcuménique des Bouviers dans l’église. C'est toujours un moment très fort du fait du mélange des textes liturgiques et de la musique sacrée avec le concert de l’harmonie municipale et des chants interprétés par la chorale locale.
Après la messe, c'est encore une aubade de la fanfare sur la place de l'Eglise où tout le monde se rencontre et se souhaite la bonne année.

 L'après-midi, dès 14 heures, leurs majestés le Roi et la Reine de l'année ouvre le grand défilé du corso fleuri et des différentes harmonies. Toute la commune est en fête. Il faut venir le voir pour le croire et les mots ne peuvent définir ces instants féeriques et magiques.
La journée du Dimanche se terminera par une aubade à la salle des fêtes de toutes les fanfares ou animations musicales qui auront été présentes sur le corso.

Le Lundi le Dauphin, c'est à dire le futur Roi de l'année suivante, invite toute la population à un apéritif chez lui. C'est encore l'occasion d'échanger des propos sur la vie de tous les jours avec ses joies et ses peines.

A 12 heures, c'est au tour de la municipalité d'accueillir à la mairie toutes les familles royales, les édiles locaux et la population pour un apéritif d'honneur.
Puis vers les 14 heures beaucoup de personnes se regroupent à la salle des fêtes pour participer au traditionnel banquet qui sera l'occasion, outre d'y bien manger, d'y entendre des histoires de l'ancien temps, des chansonnettes et des discours.

 A 20 heures, c'est le moment tant attendu du détrônement des Royautés car ce sera le moment de découvrir le couple qui aura été choisi par la Royauté en place pour lui succéder dans les années à venir. Autour de ce détrônement il y a beaucoup de folklore et notamment une chorale improvisée qui rythme le déroulement de cette cérémonie.

Mais les Bouviers ne sont jamais fatigués et le vendredi soir ils vous invitent à venir déguster la soupe au fromage, un grand rendez-vous qui avait lieu le mardi par tradition, déplacé au vendredi depuis.

Le samedi soir vers 19h se déroule le retour de fête avec un défilé nocturne dans les rues du village, clôturé par un feu d’artifice offert par la municipalité.

Stéphane Gorce Bouviers 2020 avec sont épouse Karen

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